« Redonnons sens au mot fraternité »

Publié le par MB pour Désirs d'Avenir 22



Rendre à Ségolène
par Léon-Marc Lévy


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Léon-Marc Lévy

« Redonnons sens au mot fraternité » nous dit notre Président à l'occasion de ses vœux aux Français. Vous comprendrez pourquoi, ça me fait aussitôt penser à Ségolène Royal, vous savez la dame qui nous a tant amusé quand elle a dédié, naguère, un grand rassemblement à ce thème.

Vous l'avez sûrement remarqué, depuis quelques semaines, on ne se gausse plus  de Ségolène Royal. En tout cas nettement moins. Depuis 2006, on avait pris l'habitude d'une forme de basse continue dans ce pays, tissée de plaisanteries, d'anecdotes, de récits de « gaffes », de plus ou moins bon goût et, surtout, de plus ou moins bonne foi.
Et puis là, depuis quelque temps plus rien. On sait pourquoi. En fait, c'est encore pire, c'est parce qu'on ne dit plus grand chose de Ségolène Royal. Ni en bien, ni en mal. Elle n'a pas la cote. Elle arrive même en tête des personnalités qui ont le plus pâti de l'année 2009 selon les Français ! Depuis sa « passe d'armes » avec Vincent Peillon, elle est « débuzzée ». J'espère pour elle qu'elle n'est pas désabusée. Peut-être est-ce le moment de lui rendre, un peu, justice.

Il en va ainsi des mœurs de notre politique. Du statut de star à celui d'anonyme (ou presque) le chemin est d'une brièveté saisissante. Les feux de la rampe grillent plus de gens qu'ils n'en propulsent au firmament de la popularité. Je ne suis pas sûr, bien que j'aie contribué à animer sa campagne présidentielle dans ma région, que Ségolène méritât à l'époque le vedettariat dont elle jouissait. Les unes des journaux et magazines (politiques, glamour, people) ne connaissaient qu'elle. Et pourtant, son « book » était bien mince : un ministère de l'environnement sous Bérégovoy, un ministère délégué à l'Education sous Jospin, une présidence de région, quelques vagues concepts énoncés constituaient tout le bagage de la coqueluche médiatique de l'époque.

Je suis encore moins sûr qu'elle mérite le silence d'aujourd'hui. Pour des raisons évidemment inverses : je trouve que son « book » s'est sérieusement épaissi.

Commençons par le début : sa campagne présidentielle de 2007. Bon. Comme on sait la fin, on a tendance à gommer le chemin qui a conduit à un échec. On a tort. Il y avait de belles pépites sur ce chemin et le fait que les Français, à ce moment-là, n'en aient pas voulu ne les rend pas moins éclatantes ! Je n'en cite que trois :

- Rénover le Parti Socialiste par exemple, son fonctionnement et sa philosophie (on disait, chez les ségolénistes, son « logiciel »). Pas mauvaise idée non, si on en juge par les errements dudit parti depuis ? Connaissez-vous aujourd'hui un seul socialiste qui ne dise la même chose ? Même les « gardiens du Temple » sont convertis à la rénovation radicale, les mêmes qui dénonçaient alors le « Feu sur le Quartier-Général » de SR !

- Ouvrir le débat démocratique à la participation populaire. On a aimé... en Amérique, quand Obama l'a fait ! Et aujourd'hui, pas un commentateur de la vie politique qui ne s'afflige de la phagocytation de l'exercice politique par le pouvoir sarkozyste. Même le Premier Ministre est un fantôme !

- Rendre à la Gauche les valeurs qu'elle avait, au moins depuis 1968, abandonnées au profit d'un angélisme béat et anti autoritaire : la Nation, la Patrie, l'autorité, l'ordre, la puissance publique.
Cela nous aurait peut-être évité le désastre d'un faux débat sur l'identité nationale et la communautarisation accélérée de notre tissu social (voir l'interview d'Emmanuel Todd dans « Le Monde » du 26 décembre sur « l'ethnicisation » du débat social).


Et puis un mot sur l'élection présidentielle même. Dans une France crispée dans ses peurs, dévorée par l'angoisse de l'emploi, du revenu et de l'insécurité, plus à droite qu'elle n'avait jamais été, Ségolène Royal a « fait » 17 millions de voix. Pas si mal. Je sais, il s'est bien trouvé des « y'a qu'à pour dire, contre toute raison, que cette élection était « im-per-da-ble » pour la Gauche.
On se demande s'ils vivaient dans le même pays que nous, voire sur la même planète.
Je pense que cette élection était in-ga-gna-ble, et pourtant, Ségolène a fait un score très honorable.
Ma cruauté naturelle m'oblige à rappeler qu'en tout cas c'était mieux que Jospin 5 ans avant (il paraît qu'il le reconnaît enfin pleinement !)


Enfin, depuis 2 ans, ce qu'elle fait ne me semble pas si mal. La Présidente de région est reconnue pour ses compétences, elle a failli gagner la direction du PS (et, de nouveau, ma cruauté naturelle me pousse à dire qu'elle a gagné vraiment la direction du PS !) et elle voit, peu à peu, toutes ses
« intuitions » politiques récupérées, l'une après l 'autre, par ses (nos) « camarades » et même au-delà !


Voilà. Ce n'est pas forcément un hommage « posthume ». C'est une femme « debout » dit-elle, elle a l'énergie pour rebondir, peut-être très bientôt.
Mais, quoi qu'il en soit, il m'a semblé sain de rendre à Ségolène un bout de ce qui est à Ségolène.

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